Bonjour Stéphane et merci d'avoir fait le déplacement à Contres pour ces foulées. Avant toi, Renaud LAVILLENIE et Yohann DINIZ se sont prêtés au jeu du questionnaire magdunois. Je reviens rapidement sur ton palmarès impressionnant : 2 fois médaillé d'or en championnat du monde (400m haies en 1997 et 4x400m en 2003), mais aussi l'argent (400m haies en 1999) et le bronze (400m haie en 1995). Au niveau continental, tu as 1 titre et 3 autres podiums. Tu es toujours le détenteur du record d'Europe du 400m haies : 47"37 (1995).
LMA45 : Pour commencer, je vais faire travailler ta mémoire ! A quel âge as-tu commencé l'athlé?
Stéphane DIAGANA : J'ai commencé à l'âge de 10 ans.
LMA45 : Comment es tu arrivé au 400m haies?
SD : Ca a été un long parcours, car lorsqu'on commence à 10 ans dans un club, les éducateurs te font toucher à tout (lancer, saut, course). Très vite, les lancers je les ai mis de côté, ce n'était pas mon truc. Au-delà du cross l'hiver, l'été j'étais pas mal en saut en hauteur et sur les haies hautes. En junior, je commençais à vraiment bien marché puisque j'ai fait un podium aux Frances du 110m haies. Mais suite à des problèmes au dos, j'ai du arrêter. J'étais aussi pas mal sur 400m plat, car j'avais un entrainement assez large, alors je me suis tourné sur cette discipline sur ma 2nd année de junior. Puis j'ai voulu reprendre les haies, alors j'ai suivi sur cette distance.
LMA45 : Lorsque tu étais encore dans les jeunes catégories, que représentait l'athlétisme à tes yeux?
SD : Je n'imaginais pas que ça allait devenir mon métier pendant une quinzaine d'années. Ca représentait plutôt le plaisir, les sensations, être dans un groupe d'ami avec qui partager les séances. Après, la compétition et la recherche du très haut niveau, c'est arrivé bien plus tardivement. Quand j'étais gamin, les championnats du monde n'étaient pas un objectif, même à mes 18/19 ans.
LMA45 : Puis les performances se sont accumulées avec titres et records. Quel est ton plus beau podium?
SD : C'est difficile car c'est beau pour différentes raisons. Le premier titre mondial en 1997, forcément, de plus j'étais blessé l'année précédente lors des JO d'Atlanta, où j'étais dans les tribunes. Rebondir un an plus tard à ce niveau, c'était super !
Le titre au relais du 4x400m en 2003, c'est une autre aventure. En plus ça s'est fait en 2 temps. Il y a aussi le titre européen en 400 haies en 2002.
LMA45 : Médaillé mondial et européen, mais pas Olympique. Est-ce ta plus grande déception sportive?
SD : Pas spécialement car j'ai eu une belle carrière et j'ai pu faire de belles performances pendant plus de 10 ans.
LMA45 : Tu as eu l'honneur de porter la flamme Olympique lors de son passage à Paris en 2008 et à bien d'autres occasions. Etait-ce une sorte de réconciliation avec cette épreuve?
SD : Non ce n'est pas une réconciliation, mais une marque de reconnaissance. Mais ça ne remplacera pas un podium, une médaille, glané sur le terrain.
LMA45 : Ta carrière au niveau international se termine en 2004, après plus de 14 ans au haut niveau. Quel est le bilan de ta carrière?
SD : Une très belle carrière, surtout par rapport à mon niveau et ce que je pouvais espérer. Pas forcément en terme de résultat, mais ce que j'ai pu tirer de moi. Je n'ai pas une carrière qui laisse beaucoup de regrets.
LMA45 : Diplômé en 2004, comment c'est passé ton insertion dans le monde du travail?
SD : Assez bien car je vais pouvoir me préparer.
LMA45 : Après avoir mis les pointes au placard, tu sors les baskets et tu t'es mis aux efforts d'endurance. Quel plaisir trouves tu dans cette reconversion sportive?
SD : C'est une continuité pour moi. Quand j'étais jeune je faisais les cross mais aussi de longs footings. J'ai toujours eu envie de courir, ce n'est pas parce que j'ai arrêté l'athlétisme au haut niveau que j'allais tout arrêter pour autant. J'ai toujours autant de plaisir.
LMA45 : Le 10km controis ne t'a pas tenté ce matin (Romain BARAS avait participé à la corrida de Montrichard)?
SD : Je ne pouvais pas à cause du timing (sollicitations et inauguration).
LMA45 : Depuis plusieurs années, tu es consultant pour France Télévision lors des rares évènements télévisés. Comment vis tu cette nouvelle expérience?
SD : C'est une autre façon de partager. L'idée pour moi est d'amener aux spectateurs des éléments, ils vont permettre de mieux comprendre et d'apprécier ce qu'ils voient. Je fais aussi du décryptage.
LMA45: Merci justement d'être là, car, de mon point de vue, les autres commentateurs ne sont pas au niveau.
SD : Merci. On est une équipe, c'est complémentaire, Patrick MONTEL est en charge de l'animation et nous sommes là pour amener les précisions.
LMA45 : Tu accroches une autre corde à ton arc en étant un fervent militant de la lutte contre le dopage. Penses tu que les organisations, fédérations et institutions en font assez? Que devraient-ils faire pour rendre ce sport totalement propre?
SD : Aujourd'hui ils en font beaucoup plus qu'il y a quelques temps, c'est pour cela qu'il y a de grands champions qui tombent maintenant. Les leviers sont actionnés maintenant avec la technologie, il y a plus de moyens qui sont mis en œuvre. Il y a des collaborations entre les états, les services de polices, de douanes, qui permettent d'être efficaces. Il y a aussi des collaborations entre les états et les mouvements sportifs, les agences indépendantes. Tout cela augmente les chances de trouver les tricheurs.
Le dernier échelon maintenant c'est le levier financier. Il faudrait qu'à un moment, lorsque quelqu'un gagne de l'argent en trichant, qu'il y ait des procès. Mais on en prend la voie, car j'ai entendu que l'état américain attaquait Lance AMSTRONG (cyclisme), comme l'US Postal était sponsor et que c'était de l'argent public. Cela pourrait changer la donne, car ces sportifs pourraient être inquiétés sur leurs patrimoines.
LMA45 : Peu d'athlètes peuvent réellement vivre de ce sport malgré un très bon niveau. Ne serait ce pas une des causes du dopage?
SD : Cela dépend des disciplines, mais pour en vivre, il faut être régulièrement dans le top 10 mondial. La recherche de la performance, dans tous les domaines, est une incitation à la triche, ce n'est pas que dans le sport. On peut avoir tendance à contourner les règles. Le sport par définition c'est la recherche de la performance. Si on veut arrêter le dopage en supprimant la recherche de la performance, on arrête le sport tout simplement.
LMA45 : L'avenir maintenant, ton ami Félix SANCHEZ (République Dominicaine) prendra sa retraite l'année prochaine. C'est une page qui se tourne?
SD : Oui en effet, c'est un grand nom de la discipline, comme l'a été Edwin MOSES (USA – 4 records du monde – 2 fois champion olympique (Montréal 1976 et Los Angeles 1986 + le bronze à Séoul 1988) – 2 fois champion du monde – 122 victoires consécutives). Félix est quelqu'un qui porte très bien les valeurs de cette discipline. J'ai un peu couru avec qui plus est.
LMA45 : Aucun français n'a pris part aux JO de Londres sur le 400m haies. Comment vois-tu notre avenir dans cette discipline?
SD : On a quelques athlètes même si c'est très long. Chez les juniors on regarde ce que ça donne, il faut patienter pour les voir émerger.
LMA45 : As-tu l'âme d'un entraineur?
SD : Oui, pourquoi pas.
LMA45 : Est-ce qu'un DIAGANA pourrait se faire un prénom dans l'athlé?
SD : J'ai 1 de mes enfants qui fait de l'athlé alors qu'un autre a arrêté l'année dernière. On verra.
LMA45 : Quels sont tes prochains objectifs personnels dans la course à pied?
SD : En ce moment je me suis fixé des objectifs sur le triathlon, dans un premier temps. Mais pas d'IronMan, je n'ai pas assez de temps pour m'entrainer dans ce sport, un half à la limite, mais pas un complet.
LMA45 : Tu as beaucoup voyagé, pour l'athlé ou tes projets. Quel pays as-tu préféré? Voudrais-tu en découvrir un en particulier?
SD : Je n'ai pas de pays préféré, je suis curieux et j'apprécie ce que chaque pays a à nous offrir, ce qui est différent. J'aime beaucoup l'Afrique du Sud, pour y être allé plusieurs fois, j'aime aussi l'Australie, le Sénégal via mes origines. Mais la liste pourrait être longue, même lorsque je suis aux Etats-Unis, il y a des choses que j'aime bien et d'autres que je n'aime pas.
LMA45 : Quelle question aimerais tu qu'on te pose et quel en serait la réponse?
SD : Pourquoi as-tu fait de l'athlé?
La réponse serait : parce que j'aimais ça ! (rire).
LMA45 : Pour finir, aurais tu un conseil ou un petit mot à dire à tous ceux qui lirons cet article?
SD : Bonjour à tous tout simplement et vive l'athlé !